Cultiver sa voix d’orateur
Nous avons la possibilité d’avoir mille voix, et pourtant une seule est vraiment la nôtre. Comment la trouver ?
La différence entre un discours ordinaire et une prestation mémorable ne réside pas seulement dans les mots mais aussi dans la manière dont ils sont exprimés. C’est cela, la magie du style oratoire : chaque voix est unique. Trouver votre voix propre, celle qui portera votre message avec puissance et authenticité, est une quête personnelle qui vous sera aussi bénéfique professionnellement. Car, si notre façon de nous exprimer est en accord avec notre personnalité profonde, elle la fera d’autant mieux rayonner. Lançons-nous dans ce voyage intime qui révélera non seulement ce que nous voulons dire, mais aussi comment nous voulons être entendus.
Ne maquillez pas votre voix
Il nous arrive parfois, consciemment ou inconsciemment, de modifier notre voix ; c’est-à-dire de l’étouffer, la filtrer, ou d’en baisser le volume. Naturellement, cela arrive lorsqu’on est convaincu que sa voix n’est pas belle : « je n’aime pas ma voix : elle est nasillarde, stridente, aiguë… »
C’est ainsi que, inconsciemment, on la modifie. En coaching, j’observe souvent des personnes qui ont l’impression de hurler, alors qu’elles projettent juste le bon volume pour se faire entendre. Physiologiquement, quand nous truquons notre voix, les cordes vocales se resserrent, la tension limite leur vibration, l’air a moins d’espace pour s’écouler, et la voix s’affaisse dans la gorge. On dit alors que la voix ne « timbre » pas ou ne « résonne » pas. Concrètement, lorsque vous faussez votre voix pour la faire paraître plus grave ou plus sensuelle, elle sonne en réalité moins vivante et manque de profondeur. Les consonnes, en particulier, sont moins bien projetées. Le timbre d’une voix, c’est ce qui lui donne sa couleur, sa texture et son caractère distinctif. Une voix bien timbrée est expressive et plaisante à écouter : elle exploite les résonances naturelles du corps.
Voici un exercice pour vous reconnecter à votre « vraie voix » : écoutez votre projection naturelle quand vous demandez, dans un bistrot bruyant : « un café s’il vous plaît ! ». À chaque fois que vous êtes tenté de trafiquer votre voix, repensez à cette phrase, si simple, et que vous projetez naturellement bien. Elle aura le mérite de replacer votre voix dans son timbre naturel.
Découvrez le débit qui est naturellement vôtre
Parlez-vous spontanément vite ou lentement ? Cela dépend-il du contexte, et de votre audience ?
Votre débit peut refléter votre personnalité – et c’est une bonne chose ! Prenons trois exemples d’orateurs aux styles bien différents.
- Le rappeur Orelsan : son débit de parole est lent, sa diction posée et réfléchie. Il met naturellement l’accent sur les émotions qu’il souhaite transmettre. Cela contribue à nourrir un style calme et nonchalant.
- L’humoriste Roman Frayssinet : son débit de parole est décontracté, avec des pauses fréquentes et une façon de parler presque contemplative. Cela contribue à son style qui surfe sur l’absurde et le décalage.
- L’humoriste Marina Rollman : à l’inverse, la Suisse a un débit de TGV, que ce soit dans ses spectacles de stand-up ou ses interventions radiophoniques. Il s’accompagne d’une articulation précise, ce qui confère à ses sketchs une dimension d’urgence.
À chacun son allure : l’essentiel est de la trouver et de l’assumer. Si vous parlez vite, comme Marina Rollman, vous n’êtes pas obligé de vous contraindre à la lenteur pour vous rendre audible. Ralentir vous aidera à casser le rythme et à poser vos idées clés, oui, mais ne vous enfermez pas dans un débit unique qui ne vous ressemble pas. Alternez entre des passages où vous vous canalisez, et d’autres où vous assumez votre nature profonde.
Trouvez votre registre
Passons maintenant au registre de langue. C’est un champ très vaste : il regroupe le vocabulaire, la syntaxe, les expressions et peut varier selon le contexte social, le niveau de formalité, et la relation entre les interlocuteurs. On distingue généralement plusieurs niveaux, allant du familier au soutenu, en passant par le courant. Quel est votre registre préféré ? Beaucoup d’orateurs s’empêchent d’assumer leur registre naturel par peur de l’opinion des autres. Il y a quelques années, j’ai coaché le fondateur d’une licorne française qui avait un style assez chaotique : il se dispersait, parlait (beaucoup) trop fort et avait un accent anglais à « coucher dehors », pour le dire familièrement. Nous avons travaillé ses messages clés et la structure de ses discours, mais sans toucher à son volume sonore, ni à son amour pour les digressions, et encore moins à son accent. Aujourd’hui, tous ses employés parlent de sa singularité et de son style « rafraîchissant ». Prenez aussi Xavier Niel, le fondateur du groupe Illiad et de l’opérateur Free : dans le monde très corporate des télécoms, il est connu pour son franc-parler. Son style informel correspond à son image de rebelle du monde des affaires, tout en le rendant accessible à un large public. Le juste équilibre réside dans l’assimilation des codes exigés tout en restant en accord avec soi-même.
Conclusion
Pour trouver votre voix d’orateur, exploitez votre timbre naturel. Adaptez votre débit de parole pour qu’il vous corresponde, sans systématiquement vous obliger à suivre un rythme qui ne vous ressemble pas. Choisissez un registre de communication en accord avec votre personnalité, tout en respectant les attentes de votre audience. L’ancien Président de la République, François Hollande, a souvent été caricaturé pour sa voix nasale et son intonation hésitante ou monotone. Mais c’est aussi cette spécificité qui a contribué à sa reconnaissance. Les comédiens Valérie Lemercier ou Fabrice Lucchini, dont les voix sont parfois perçues comme « pointues » (c’est-à-dire aiguës), en ont d’ailleurs fait leur marque de fabrique.
L’essentiel est de rester authentique tout en s’ajustant aux codes et au contexte. Prenons le temps de découvrir ce qui nous rend uniques, expérimentons différents styles et techniques, et laissons notre singularité s’exprimer à travers nos discours. Car, en définitive, la qualité d’un discours ne dépend-elle pas pour beaucoup de la personnalité qui s’en dégage ?